Chaque semaine, Clément Viktorovitch analyse et discute des débats et des problématiques politiques. Le dimanche 7 avril, il a abordé le sujet de l’introduction du pass rail, un abonnement à 49€ conçu pour les jeunes, qui leur permet de voyager à travers la France dans les trains régionaux et Intercités.
Une saga marquée par les rebondissements
Quel parcours tumultueux pour le pass rail ! Il a bien failli ne voir jamais le jour. Le mercredi 3 avril, Patrice Vergriete, le ministre des Transports, annonçait sur France Matin que le projet était pour le moins repoussé, en raison du désaccord des régions Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France. Mais contre toute attente, un revirement de situation se produisit dans l’après-midi : Hervé Morin, Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand ont finalement donné leur accord. Le pass rail verra donc bien le jour !
C’était une engagement pris par le président Macron en septembre dernier. Lorsque le journaliste Hugo Travers lui a demandé s’il envisageait de mettre en place en France le Deutschlandticket, le pass rail allemand, voici sa réponse : « Oui, je suis pour. Et j’ai demandé au ministre des Transports de mettre en place le même dispositif avec toutes les régions qui sont prêtes à le faire. »
Cette promesse a donc été tenue six mois plus tard… du moins, en apparence. Le Deutschlandticket est un pass à 49€ par mois, ouvert à tous les Allemands, valable toute l’année, et permettant l’accès à tous les transports en commun, y compris ceux des villes, à l’exception des trains grandes lignes. Le gouvernement a donc repris le concept allemand, mais en modifiant les termes. Cela n’est pas répréhensible… sauf que Clément Beaune, l’ancien ministre des Transports, affirmait en septembre dernier sur France 2 que « l’idée est d’avoir quelque chose un peu comme cela s’est fait en Allemagne ou dans d’autres pays européens, c’est-à-dire très simple, ouvert à tous, qui permet de voyager de manière illimitée. » Le dispositif finalement adopté, réservé aux moins de 27 ans et uniquement pour les mois de juillet et août, est bien loin de cela.
Une initiative minimaliste
Il est vrai que pour le moment, il ne s’agit que d’un test. Le seul élargissement envisagé est une possible extension de la mesure à la région Île-de-France, qui en est actuellement exclue. Plus personne ne parle d’un pass pour tous valable toute l’année. On peut donc se poser la question : est-ce une promesse tenue ou une promesse non respectée ?
Examinons les montants en jeu : ce pass rail à la française va coûter 15 millions d’euros. Pour donner une idée : selon le Livre blanc du rail, rédigé par l’eurodéputée écologiste Karima Delli en collaboration avec de nombreux experts, un véritable pass rail, universel et à l’année, coûterait entre 500 millions et trois milliards d’euros, soit 30 à 200 fois plus. Ou, si nous parlons d’une mesure ciblée sur les jeunes : la généralisation de l’uniforme scolaire, toujours à l’étude par le gouvernement, se chiffrerait elle aussi en milliards d’euros. 15 millions d’euros, à l’échelle du budget de l’Etat, ce n’est presque rien. Mais si le pass rail ne coûte rien, c’est qu’il n’apporte pas grand-chose par rapport aux offres de réductions déjà proposées aux jeunes. En d’autres termes, nous avons là une mesure qui ne va pas changer le quotidien des Français, mais dont le gouvernement pourra néanmoins se vanter.
Nous sommes face à une annonce qui suscite l’espoir des citoyens et attire l’attention des médias, avant d’être tellement réduite qu’elle devient une coquille vide… mais que le gouvernement peut tout de même affirmer avoir réalisée. Certes, ce n’est pas nouveau. Mais cela ne justifie pas pour autant de cesser de nous en indigner. La communication politique, cela devrait être l’art de bien dire ce que l’on fait. Malheureusement, trop souvent, elle est devenue l’art de ne pas faire ce que l’on a dit.
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