L’indice international du cacao a connu une envolée de 160% en l’espace d’une année, principalement en raison de récoltes défavorables dans les pays majeurs de production.
Augmentation des prix des chocolats de Pâques : quelle est la raison ?
Si vous avez ressenti une certaine surprise en voyant le montant de vos achats de chocolats de Pâques, vous n’êtes pas le seul. En effet, selon l’organisation de défense des consommateurs UFC-Que choisir, qui a analysé une sélection de 80 chocolats, leur coût a grimpé en moyenne de 5% cette année par rapport à 2023. Cette augmentation est bien supérieure à l’inflation alimentaire, qui était de 1,7% en mars. Mais comment expliquer cette hausse des prix, et est-ce une tendance qui va se poursuivre ?
Une des raisons pour lesquelles le chocolat coûte plus cher est la flambée du prix du cacao. Sa valeur sur le marché mondial a bondi de plus de 160% depuis la dernière fête de Pâques, selon la plateforme d’échanges financiers eToro. Pour la première fois, le prix du cacao a même dépassé brièvement les 10 000 dollars la tonne. Cette augmentation est due à des récoltes décevantes en Côte d’Ivoire et au Ghana, qui sont les deux plus grands producteurs de cacao au monde.
L’impact d’El Niño
L’Afrique de l’Ouest a été fortement touchée par le phénomène climatique El Niño, subissant de fortes précipitations et une période de sécheresse ces derniers mois. « Cela a entraîné des problèmes de pourriture et de moisissure sur les cacaoyers », explique Thierry Lalet, président de la Confédération des chocolatiers et des confiseurs de France, à Europe 1. « Nous avons observé l’apparition de maladies, un peu comme dans les vignobles ». Les conditions humides ont notamment favorisé la propagation du virus de l’œdème des pousses du cacaoyer, qui cause la pourriture des fèves de cacao sur les arbres.
Le prix élevé du cacao s’ajoute à l’inflation qui a touché d’autres éléments qui entrent dans le coût des chocolats, comme le sucre et l’énergie. « Bien qu’il soit actuellement comparable à celui de Pâques 2023 », le prix du sucre « a augmenté de manière significative (+16%) depuis Pâques 2022 », souligne eToro.
Les chocolatiers face à l’augmentation des coûts
Cette hausse des prix intervient à un moment crucial pour les chocolatiers : Pâques est leur deuxième période de l’année la plus importante en termes de ventes, après Noël. Selon le magazine spécialisé LSA, les célébrations de Pâques représentent environ 11% de leurs ventes annuelles. Les professionnels du secteur doivent donc décider s’ils augmentent leurs prix – au risque de dissuader les consommateurs – ou s’ils acceptent de voir leurs marges se réduire.
Les grands industriels achètent généralement leurs fèves longtemps à l’avance. Le cacao utilisé cette année a été récolté l’année dernière, avant l’impact d’El Niño, précise Le Parisien. Cependant, certains ont déjà anticipé et ajusté leurs tarifs. Au début du mois de mars, Lindt & Sprüngli a annoncé que ses prix allaient augmenter en 2024 et 2025, après une hausse moyenne de 10,1% en 2023. Ainsi, le lapin doré de la marque est actuellement vendu à un prix supérieur de 6% par rapport à l’année dernière, d’après UFC-Que choisir.
Toutefois, une partie de cette augmentation des coûts reste à la charge des fabricants, qui ne peuvent pas répercuter entièrement cette hausse sur les prix de vente au détail, car ceux-ci sont ajustés à certains intervalles lors des négociations avec les supermarchés, et non en continu », explique Thomas Juch, directeur des affaires publiques de la fédération des fabricants suisses de chocolat, à l’AFP. « Il y a un effort sur la marge » et l’augmentation pour les consommateurs « est maîtrisée, car les prix ont été fixés avec les distributeurs il y a plusieurs mois, au moment où la hausse des cours du cacao était moins forte », ajoute Gilles Rouvière, secrétaire général du Syndicat du chocolat, sur BFM.
« Les Français ont besoin de réconfort »
Quant aux chocolatiers artisanaux, « nous n’avons pas la même méthode d’approvisionnement », analyse Thierry Lalet. « Les fèves que nous utilisons ne sont pas soumises aux fluctuations du marché, nous travaillons davantage avec des coopératives et nous avons moins d’intermédiaires », explique-t-il sur Europe 1.
Un chocolatier à Brive (Corrèze) estime, selon France Bleu, que la hausse des prix affecte surtout les grands industriels, qui achètent habituellement leur cacao à des prix plus bas. « Le problème, c’est que ce ne sont pas seulement les matières premières qui augmentent : il y a aussi les rubans et l’emballage alimentaire, qui sont très importants pour nous », témoigne la responsable des ventes d’une autre chocolaterie limousine, qui a augmenté ses prix de 2%.
Malgré ces augmentations, le secteur reste optimiste. « Pâques est une fête attendue, le chocolat est un achat plaisir et les Français ont plus que jamais besoin de réconfort et, malgré toutes les crises, les ventes sont en hausse », assure Gilles Rouvière.
Une tendance qui devrait se poursuivre
Mais les prix devraient continuer d’augmenter dans les magasins dans les mois à venir. « Sur le chocolat de Noël, c’est sûr, il faut s’attendre à un impact fort. Et probablement sur Pâques 2025, si la situation ne change pas », prévient Dominique Schelcher, directeur général de Système U, sur RMC. « Les négociations de prix avec la grande distribution pour Noël prochain débutent en ce moment, et c’est vrai que nous sommes inquiets », admet le secrétaire général du Syndicat du chocolat, sur BFM.
« Si nous voulons que les PME survivent à cette période [de Noël], les prix devront augmenter, il y a un danger pour la pérennité de ces entreprises qui sont fragilisées », ajoute-t-il. Le syndicat s’inquiète particulièrement pour les « petits » chocolatiers, qui n’ont pas encore fait leur stock pour Noël. « S’ils n’ont pas acheté avant, ils vont devoir acheter au moment du pic », déplore Gilles Rouvière sur France Matin.
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