À seulement sept jours des élections européennes, qui auront lieu le 9 juin prochain, intéressons-nous à l’opinion des jeunes. Quelle est leur intention de vote ? Quels sont les enjeux majeurs pour eux ? Analyse de la situation avec l’aide du sociologue Jean Viard.
Le scrutin européen et les jeunes français : une relation ambivalente ?
Dimanche prochain, soit le 9 juin, les citoyens français seront appelés à se rendre aux urnes pour les élections européennes. Un sujet qui est actuellement au cœur des débats est le rapport des jeunes avec ce scrutin. Selon une étude publiée récemment, moins d’un tiers des personnes âgées de 18 à 30 ans interrogées par Ipsos pour France Matin et Brut déclarent qu’elles envisagent de participer à l’élection.
France Matin : Comment interprétez-vous ces chiffres concernant l’intention de vote des 18-30 ans ?
Jean Viard : En premier lieu, je trouve épuisant cette obsession avec le lien entre les sondages et les médias. La majorité des citoyens ne commence à s’intéresser aux élections que durant les dix derniers jours précédant le scrutin, voire le jour même. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes qui ont souvent d’autres préoccupations en tête que les élections européennes. Je ne peux pas prédire combien d’entre eux se rendront aux urnes, mais il est vrai qu’ils ont tendance à voter moins que leurs aînés.
C’est une tendance que l’on observe depuis plusieurs scrutins, les jeunes votent moins…
C’est exact, mais cela s’explique en partie par le fait que notre démocratie est dominée par les personnes âgées. Ce sont elles qui occupent les postes au conseil municipal, qui s’impliquent dans les associations, qui vont voter, etc. La participation démocratique véritable ne commence qu’à l’âge de 60 ans environ. Est-ce un problème ? Je ne peux pas le dire. Ce qui est certain, c’est que les jeunes ont trouvé d’autres moyens de s’engager dans la société, ils optent pour des formes d’action directe car ils ont perdu confiance.
Est-ce que cela pourrait signifier qu’ils ne se sentent pas représentés ou qu’ils pensent que les élus ne se soucient pas de leurs intérêts ?
C’est une possibilité, en effet. Les partis politiques ne parviennent pas à parler aux jeunes, mais c’est aussi parce que le monde a radicalement changé et que les préoccupations majeures ne sont plus les mêmes. Les jeunes ont tendance à voter pour des partis plus contestataires. C’est normal, si on ne conteste pas à 20 ans, cela deviendra difficile à 60 ans. Les jeunes votent plus pour le Rassemblement national ou pour LFI que les autres tranches d’âge. Mais il faut être prudent avec ces analyses, car pour les jeunes, l’Europe est devenue une réalité incontestable. C’est comme vivre en France ou en Bretagne, cela ne fait plus débat. Je pense qu’il faut le formuler ainsi.
À ce propos, dans cette étude, 30% des 18-30 ans considèrent l’Europe comme une opportunité, 23% y voient une chance. Donc, une grande majorité a une vision plutôt positive de l’Europe, n’est-ce pas ?
Effectivement. Cependant, on observe que le Rassemblement national obtient 40% des voix chez les jeunes ruraux, c’est-à-dire les populations qui se sentent éloignées de la société pour des raisons géographiques, économiques ou culturelles, et qui ont tendance à voter pour des partis contestataires. Mais regardons les choses sous cet angle. L’aspect positif, c’est que l’Europe est désormais une réalité acquise. Je pense que c’est là l’essentiel.
L’autre question à se poser est la suivante : lors des élections européennes, on ne vote ni pour un programme, ni pour un candidat. Il est difficile de comprendre les majorités à Bruxelles, on ne sait pas très bien qui dirige, qui ne dirige pas. On ne comprend pas comment notre vote va influencer le choix de la présidente, car bien qu’elle soit issue d’un parti de droite, elle n’est pas soutenue par son parti. C’est très compliqué à comprendre. Donc on finit par voter en fonction de son humeur.
Et pour les jeunes, la priorité numéro un de l’Union européenne pour les prochaines années, ça doit être la lutte contre le réchauffement climatique. Un tiers des moins de 30 ans affirment que c’est la priorité numéro un. L’Union européenne, c’est le bon échelon pour agir. Vous pensez que c’est un vecteur de mobilisation ?
Absolument, c’est le cas en France comme au Danemark, les chiffres sont similaires, et c’est une bonne chose. Les jeunes se sont massivement impliqués dans la lutte contre le changement climatique. Mais il est vrai que la majorité d’entre eux sont au cœur de cette bataille.
Je pense que c’est fondamental, notamment parce que ce sont eux qui seront les plus touchés par le réchauffement climatique, puisqu’ils ont normalement une espérance de vie plus longue que les personnes âgées. C’est une réalité, la société est en train de changer. La lutte contre le changement climatique devient le combat de l’Europe et de la civilisation, et je pense que les jeunes l’ont bien compris.
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