Gabriel Attal et son gouvernement démissionnaire n’ont pas battu le record de longévité

par | Oct 3, 2024 | Politique | 0 commentaires

Non, le gouvernement de Gabriel Attal n'a pas (encore) battu le record de longévité des gouvernements démissionnaires
          Le gouvernement de Gabriel Attal est démissionnaire depuis 45 jours, mais il n'a toujours pas battu le record de longévité d'un gouvernement démissionnaire, contrairement à ce qui a été dit par plusieurs politiques, voire spécialistes.

Le cabinet ministériel de Gabriel Attal a remis sa démission il y a 45 jours, cependant, il n’est pas encore parvenu à surpasser le record de durée d’un gouvernement ayant démissionné, malgré les affirmations de nombreux politiciens et même d’experts.

Constatation récurrente dans les débats politiques

Le samedi 24 août dernier, un fait a été souligné à plusieurs reprises lors de nombreuses analyses politiques. D’après divers commentateurs, le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal serait sur le point de surpasser tous les précédents gouvernements démissionnaires de la IVe et de la Ve Républiques en termes de durée au pouvoir. La présidente du groupe La France Insoumise à l’Assemblée Nationale, Mathilde Panot, a notamment abordé ce sujet lors d’une interview à LCI. Le député du Nouveau Front Populaire, Alexis Corbière, a également fait part de ses préoccupations à ce sujet sur Franceinfo. Cependant, cette affirmation n’est pas nécessairement exacte.

Des discussions autour d’une motion de censure

Cette opinion est également partagée par des experts. Par exemple, Nicolas Hervieu, professeur de droit public et européen à Sciences-Po et à l’Université d’Évry, a déclaré deux jours avant le 24 août qu’un record serait brisé ce samedi, avec 39 jours d’exercice d’un gouvernement démissionnaire depuis le 16 juillet. Plusieurs médias ont également couvert cette réalité avec des titres faisant référence à ce record, comme le quotidien Le Monde.

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Selon leurs calculs, le gouvernement démissionnaire qui a duré le plus longtemps entre l’acceptation de sa démission par le chef de l’État et la nomination du gouvernement suivant est celui de René Mayer, du 21 mai au 28 juin 1953, soit 38 jours, sous la IVe République. Sous la Ve République, le record n’est que de neuf jours : le gouvernement de Georges Pompidou a géré les affaires courantes du 28 novembre au 7 décembre 1962.

Cependant, ils ont oublié ce qui s’est vraiment passé en 1962. Le 5 octobre, l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou. Le lendemain, le Premier ministre a présenté sa démission au président de la République, comme le prévoit la Constitution, mais Charles de Gaulle l’a refusée.

C’est ce refus qui crée la confusion dans les interprétations. Certaines personnes estiment que le gouvernement Pompidou n’était pas encore démissionnaire puisque sa démission n’avait pas été acceptée. Cependant, le Conseil d’État a jugé différemment. Dans plusieurs décisions prises dans les années 1960, il a statué que le gouvernement Pompidou était bien démissionnaire, car la motion de censure avait enlevé ses pouvoirs complets.

Le gouvernement Pompidou détient le record avec 62 jours

Le 19 octobre 1962, le Conseil d’État a examiné la plainte d’un certain Monsieur Brocas qui accusait le gouvernement d’abus de pouvoir pour avoir pris deux décrets après la motion de censure. La discussion portait sur le statut du gouvernement : avait-il le droit de prendre ces décrets ? Était-il démissionnaire ou non ?

Dans sa décision – qui n’est pas accessible en ligne mais qui a été consultée par Franceinfo et dont Le Monde avait rapporté à l’époque – le Conseil d’État a écrit que l’adoption d’une motion de censure par l’Assemblée nationale entraînait la démission du Premier ministre et de son gouvernement et que, selon un principe traditionnel de droit public, le gouvernement démissionnaire conserve le pouvoir de gérer les affaires courantes jusqu’à ce que le président de la République nomme officiellement son successeur.

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Le Conseil d’État a réitéré ce point de vue quelques années plus tard, le 22 avril 1966, dans une autre décision concernant un décret pris par le gouvernement après le vote de la motion de censure. Cette décision est résumée ainsi sur le site Legifrance : « Le 9 octobre 1962, le gouvernement, dont la responsabilité avait été mise en cause le 5 octobre précédent par une motion de censure, était démissionnaire et avait le pouvoir de gérer les affaires courantes ».

Le refus d’un président n’affecte pas la situation

« C’est un cas de figure spécifique, exceptionnel », explique Mathieu Carpentier, professeur en droit public de l’université Toulouse 1 Capitole, à Franceinfo. « Dans la plupart des cas, le gouvernement n’est considéré comme démissionnaire qu’à partir du jour où le président de la République accepte sa démission, c’est-à-dire signe le décret mettant fin aux fonctions du gouvernement. Le cas de l’adoption d’une motion de censure est un cas à part. Le gouvernement a l’obligation de démissionner. Le président de la République peut refuser la démission, mais cela ne change rien ».

En effet, le gouvernement Pompidou est resté en place 62 jours après l’adoption de la motion de censure et sa démission. Ainsi, le record absolu de longévité d’un gouvernement démissionnaire n’est pas de 9 ou de 38 jours, mais bien de 62. C’est 17 jours de plus que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal, qui gère les affaires courantes depuis maintenant 45 jours, à la date du jeudi 29 août.

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Tiffany Virtusse

Auteur

Avec une plume incisive et un esprit analytique affûté, Tiffany Virtusse se distingue comme l'une des journalistes les plus respectées de France Matin, spécialisée dans les domaines de la politique, de l'économie et des élections en France. Diplômée de Sciences Po et forte d'une expérience de plus d'une décennie dans le journalisme, Tiffany apporte une perspective unique et éclairée sur les enjeux majeurs qui façonnent le paysage politique et économique français. Tiffany est reconnue pour sa capacité à décomposer des sujets complexes et à les présenter de manière accessible et engageante. Que ce soit en couvrant les derniers développements de la scène politique, en analysant les tendances économiques ou en décryptant les résultats électoraux, elle a le don de capter l'attention de ses lecteurs avec des reportages détaillés, des interviews approfondies et des commentaires perspicaces.

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