Au cœur du territoire, un minimum de 122 individus ont perdu la vie, des zones résidentielles complètes ont été ravagées, des véhicules ont été réduits à l’état de carcasses brûlées et presque 26 000 hectares ont été complètement incendiés.
Le Chili est actuellement sous le coup de vagues de chaleur extrêmes, provoquant les incendies de forêt les plus dévastateurs de son histoire récente. La région touristique de Valparaiso, située au centre du pays sur la côte, a été particulièrement touchée. Au moins 122 personnes ont perdu la vie, de nombreux quartiers résidentiels ont été réduits en cendres, des voitures ont été brûlées et près de 26 000 hectares de terre ont été détruits. « C’est la pire tragédie que nous ayons vécue depuis le tremblement de terre de 2010 », a déclaré le président Gabriel Boric le samedi 3 février, en référence au séisme de magnitude 8,8 qui a déclenché un tsunami le 27 février 2010, faisant plus de 500 victimes. « L’idée que ces incendies aient pu être déclenchés de manière délibérée fait l’objet d’une enquête », a ajouté le président.
Alors que plusieurs incendies sont encore en cours, nous allons énumérer les facteurs qui peuvent justifier l’ampleur de ce désastre.
Le pays est actuellement en proie à une vague de chaleur
Selon Raul Cordero, climatologue à l’université de Groningen (Pays-Bas), bien que des facteurs tels que « la disponibilité du combustible, la gestion des terres et les sources d’ignition » puissent en partie favoriser la situation, « les conditions météorologiques sont le principal facteur d’activité des incendies ». En effet, une vague de chaleur frappe le centre du Chili depuis la semaine dernière. En plein été austral, le pays connaît des températures allant jusqu’à 40°C. « La combinaison de vents forts et de vagues de chaleur persistantes a provoqué des incendies extrêmes », précise Raul Cordero. Miguel Castillo, de la faculté des sciences forestières de l’université du Chili, ajoute que la combustion de la végétation ou des déchets génère de l’air léger et chaud, « ce qui soulève des particules enflammées ou des étincelles qui se déplacent sur des centaines de mètres, provoquant des foyers d’incendie satellites », explique-t-il.
Ces conditions météorologiques affectent également d’autres pays, comme le montre le climatologue Maximiliano Herrera, qui surveille les records de températures dans le monde. En conséquence, la Colombie a également été touchée par des incendies ces dernières semaines. Et même si les températures devraient baisser à partir de mercredi au Chili, la vague de chaleur menace désormais l’Argentine, le Paraguay et le Brésil.
El Niño et le réchauffement climatique favorisent ces conditions propices aux incendies
Cette vague de chaleur est le résultat du phénomène climatique cyclique El Niño, qui affecte actuellement le sud de l’Amérique latine. Il influence la température de l’océan Pacifique, causant des sécheresses ou des inondations. Ces conditions sont exacerbées par le réchauffement climatique causé par l’activité humaine. « Un changement de quelques degrés dans le Pacifique tropical peut faire la différence entre une saison d’incendies de forêt relativement calme et une catastrophe généralisée », écrit Raul Cordero dans une étude publiée dans la revue Nature’s Scientific Reports.
Raul Cordero, climatologue, explique à France Matin que « l’interaction d’El Niño et des vagues de chaleur alimentées par le réchauffement climatique a augmenté le risque d’incendie local et a contribué de manière déterminante à l’intense activité des incendies récemment observée dans le centre du Chili. Les mêmes conditions étaient présentes il y a un an. »
Si le chercheur souligne que « nous sommes en pleine saison des incendies au Chili », il insiste sur le fait que « ce qui a transformé les incendies ‘ordinaires’ en une catastrophe majeure, ce sont les conditions météorologiques extrêmes. La semaine dernière a probablement été la plus chaude jamais enregistrée au centre du Chili. »
Les habitations incendiées étaient peu résistantes
Le feu a touché des zones densément peuplées, principalement à Viña del Mar. Dans un seul endroit, Villa Independencia, 19 personnes ont perdu la vie. Dans ce secteur et dans d’autres, des familles vivaient entassées dans des constructions légères, parfois sur des terrains prévus pour servir de coupe-feu, selon les autorités et les experts. De plus, les matériaux légers utilisés pour ces constructions, comme le bois, sont un excellent combustible.
Les flammes ont envahi les rues étroites des collines, faisant exploser des rangées entières de voitures garées devant les maisons, ont déclaré les survivants. De plus, « les incendies brûlent dans des montagnes difficiles d’accès » pour les secours.
Les moyens de lutte sont jugés insuffisants
Quelque 1 400 pompiers et 1 300 militaires et bénévoles, soutenus par 31 hélicoptères et avions lanceurs d’eau, sont mobilisés pour combattre les flammes. Le président Gabriel Boric, qui a augmenté de 47% le budget consacré à la prévention et à la lutte contre les incendies, a déclaré l’état d’urgence, afin de mobiliser le plus grand nombre de ressources possible. Dans certains secteurs de Valparaiso, un couvre-feu a été instauré pour libérer les routes et permettre le passage rapide des véhicules d’urgence ou faciliter les évacuations.
Cependant, le Chili doit encore revoir et moderniser sa stratégie pour faire face à des catastrophes de cette ampleur, selon les experts. Par exemple, le pays ne dispose pas de moyens de lutte anti-incendie nocturnes. « Par conséquent, la probabilité que tout le travail effectué pendant la journée soit perdu pendant la nuit est très élevée », explique Michel De L’Herbe, expert en gestion des situations d’urgence.
En outre, certains critiquent la manière dont les ordres d’évacuation ont été donnés. Des résidents témoignent de messages reçus tardivement. « Quand je suis arrivée sur la route, les flammes étaient déjà au coin », raconte une Chilienne. « Les alarmes ont été déclenchées », assure Horacio Gilabert, du Centre sur le changement global de l’université catholique du Chili. « Mais l’évacuation n’a apparemment pas fonctionné (…). L’accent est mis sur la lutte, mais pas sur la prévention (…) et je pense que c’est une lacune », estime-t-il.
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