Il n’y a aucune interdiction légale quant à l’emploi de l’intelligence artificielle, toutefois, son utilisation pourrait être jugée comme illégale si elle est perçue par les autorités judiciaires comme ayant trompé l’électeur.
Alors que les élections européennes du 9 juin approchent à grands pas, les candidats multiplient les apparitions publiques et les actions de communication. Juliette de Causans, à la tête du petit parti Europe Egalité Ecologie, a révélé son affiche de campagne pour la liste Écologie au centre le 12 avril dernier. Elle a été critiquée par certains internautes qui l’accusent d’avoir modifié sa photo avec l’aide de l’intelligence artificielle (IA).
Juliette de Causans a admis ce changement dans une interview accordée au journal Le Parisien. « Certaines choses ont été supprimées de cette photo, mais rien n’a été ajouté », a-t-elle confirmé. « La retouche a été effectuée au niveau du ventre, du maquillage a été ajouté, la texture de la peau a été uniformisée. Cependant, les traits du visage ou de la poitrine, par exemple, n’ont pas été modifiés. »
La candidate justifie son action par sa volonté de transmettre « un message » concernant le développement des technologies et leur rôle dans « notre société ». Durant les élections législatives de 2023, Juliette de Causans avait déjà modifié la photo de son affiche de campagne. Même si elle assume pleinement cette modification, il n’y a aucune mention de l’utilisation de l’IA sur ses affiches.
Pas d’obligation de signaler d’éventuelles retouches
Tous les aspects d’une campagne, y compris les affiches officielles, sont soumis à des règles précises définies dans le code électoral. Il est par exemple interdit d’y afficher le drapeau français ou les trois couleurs bleu, blanc et rouge juxtaposées, sauf si elles sont présentes sur le logo du parti.
Les affiches ne peuvent être imprimées sur papier blanc que si elles comportent des éléments ou des illustrations en couleur. Le nom du candidat, le parti ou le mouvement politique et le slogan de campagne doivent obligatoirement figurer sur l’affiche. La taille de l’affiche, 59,4 par 84,1 cm, est également réglementée.
Cependant, aucune loi n’oblige les candidats à déclarer que l’IA a été utilisée pour modifier leur affiche de campagne. « Les mentions et le contenu des affiches ne sont pas contrôlés », assure à France Matin Romain Rambaud, spécialiste en droit électoral. « Il n’y a aucune disposition du code électoral qui exige une mention obligatoire sur les affiches », ajoute-t-il. Selon la loi, les candidats peuvent donc modifier leurs affiches comme ils le souhaitent, avec ou sans l’utilisation de l’IA. « Il n’y a pas, à ma connaissance, d’obligation d’indiquer des retouches réalisées avec Photoshop ou l’utilisation de l’IA », note le spécialiste.
Des sanctions possibles en cas de désinformation par l’IA
Dans une décision rendue le 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel a clarifié l’utilisation de photos retouchées sur le matériel électoral : celles-ci sont considérées comme acceptables tant qu’elles ne sont pas susceptibles de tromper l’électeur. « Une retouche excessive peut aboutir à une représentation inexacte du candidat, ce qui pourrait être perçu comme trompeur par les électeurs », explique l’avocat Antoine Chéron, interrogé par France Matin.
Le candidat peut également être sanctionné s’il utilise l’IA pour désinformer. « Si l’utilisation de l’IA est trompeuse, il existe une infraction pénale pour les fausses nouvelles », souligne Romain Rambaud. L’article L97 du code électoral sanctionne ainsi la diffusion de fausses informations avec une amende de 15 000 euros. « Il est cependant peu probable que cela s’applique à de simples retouches concernant l’apparence physique d’un candidat, même si elles sont réalisées avec une IA », prévient Antoine Chéron. Selon Romain Rambaud, il est donc « très improbable » que Juliette de Causans soit poursuivie en justice.
Pas d’obligation de montrer son visage
D’autres règles s’ajoutent à celles établies par le code électoral. Par exemple, le port de l’uniforme militaire est interdit « lors de toute activité ou manifestation de nature syndicale ou politique », selon l’arrêté du 14 décembre 2007. Une règle apparemment ignorée par Les Républicains, qui n’ont pas hésité à présenter le général Christophe Gomart, troisième de leur liste pour les européennes, en tenue militaire sur les réseaux sociaux.
En revanche, il n’est pas obligatoire de faire apparaître le visage des candidats sur une affiche, comme le prouvent celles du Parti animaliste pour les élections européennes de 2019 ou les élections législatives de 2022.
La campagne pour les élections européennes commencera officiellement le 27 mai à minuit. C’est à ce moment-là que les panneaux d’affichage seront installés devant les bureaux de vote et que les affiches de campagne officielles des différentes listes seront donc affichées.
0 commentaires