Élection manquée d’Al Gore et son impact sur le climat : Podcast 4/6

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    Les ratés du climat (4/6) : l'élection manquée d'Al Gore
          Aux États-Unis, Al Gore a longtemps été l'un des rares dirigeants à se préoccuper du changement climatique. Mais en 2000, il perd l'élection présidentielle face à George W. Bush. Que se serait-il passé si Al Gore avait été élu ?

Durant une grande partie de sa carrière politique, Al Gore était parmi les seuls leaders aux États-Unis à accorder de l’importance à la question du réchauffement climatique. Cependant, lors des élections présidentielles de 2000, il a été défait par George W. Bush. Qu’aurait-il pu se passer si Al Gore avait remporté ces élections ?

Pendant ses études à Harvard, Al Gore a eu l’opportunité d’assister aux cours dispensés par Roger Revelle, l’un des précurseurs de la recherche climatique aux États-Unis. À cette époque, la question du changement climatique n’était pas vraiment d’actualité et les premières tentatives de modélisation n’étaient pas prises au sérieux.

En 1981, alors qu’il est un jeune représentant du Tennessee, Al Gore dirige une sous-commission de la commission « Science et Technologie » du Congrès, un rôle qui le laisse dans l’anonymat. C’est alors qu’il a l’idée d’exploiter cette sous-commission pour organiser des auditions de scientifiques sur différents enjeux environnementaux.

Le défi du trou dans la couche d’ozone et du changement climatique

Cependant, cet intérêt naissant pour le changement climatique est rapidement éclipsé par l’administration Reagan, qui ne voit aucune raison de s’inquiéter. À la place, les gouvernements vont se concentrer sur un autre problème environnemental : le trou dans la couche d’ozone, découvert quelques années auparavant. Pour résoudre ce problème, tout se passe très rapidement : on identifie les gaz à effet de serre responsables de la destruction de la couche d’ozone, à savoir les CFC (chlorofluorocarbures), on leur trouve des substituts industriels, et les politiques s’emparent du problème. Ce phénomène de trou dans la couche d’ozone alarme le public et devient le principal sujet d’inquiétude de l’époque.

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C’est alors qu’un collègue républicain d’Al Gore, Curtis Moore, a l’idée d’exploiter cet engouement pour la couche d’ozone pour faire avancer la cause du changement climatique. En juin 1986, avec Al Gore, James Hansen et d’autres, ils organisent une audition conjointe au Sénat américain sur le trou dans la couche d’ozone et le changement climatique. La presse se passionne pour ces deux sujets, ce qui crée une confusion commune entre le trou dans la couche d’ozone et le changement climatique.

On pense alors que le changement climatique fera l’objet d’un traité environnemental contraignant, tout comme pour la couche d’ozone. Entre-temps, Al Gore a été élu sénateur du Tennessee et envisage de se présenter à la présidentielle en 1987 pour attirer l’attention sur le changement climatique. Il convie de nouveau James Hansen pour des auditions au Sénat. L’audition la plus mémorable a lieu le 23 juin 1988, jour où Washington est frappée par une chaleur accablante de 37 degrés, la plus chaude jamais enregistrée aux États-Unis à cette date. Devant les sénateurs, Hansen fait une déclaration choc : le changement climatique est déjà en cours.

« Le mode de vie américain ne se négocie pas »

En pleine campagne électorale américaine, le futur président George Bush Senior se présente comme un fervent défenseur de l’environnement. Après son élection, il sollicite les conseils des anciens présidents Carter et Ford, qui lui recommandent de faire de la question climatique une priorité nationale et de doubler le budget de l’Agence Fédérale de Protection de l’Environnement. Cependant, durant tout son mandat, les États-Unis vont faire preuve de réticence sur le sujet du climat, jusqu’à ce que Bush prononce cette célèbre phrase lors du Sommet de la Terre à Rio : « Le mode de vie américain n’est pas négociable ».

En 1992, Al Gore aurait pu se présenter à l’élection présidentielle, mais un événement tragique va en décider autrement : en 1989, son fils est gravement blessé dans un accident de voiture, ce qui l’amène à revoir ses priorités. Néanmoins, lors de la campagne électorale de 1992, Al Gore est choisi comme colistier par Bill Clinton en raison de sa longue expérience politique et de son engagement écologiste. Clinton est élu, ce qui donne à Al Gore l’occasion de remettre le changement climatique au premier plan.

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Grâce à sa proximité avec Bill Clinton, Gore est souvent considéré comme l’un des vice-présidents les plus influents et actifs de l’histoire des États-Unis. Il lance plusieurs initiatives visant à promouvoir les énergies renouvelables et à réduire la déforestation, mais surtout, il joue un rôle clé dans la négociation du Protocole de Kyoto. Il s’implique personnellement dans ce processus et se rend au Japon pour l’occasion.

En 1999, le moment est venu pour lui. Le 16 juillet, il annonce officiellement sa candidature à la présidence des États-Unis. Il remporte facilement la primaire démocrate face à un ancien joueur de basket-ball, Bill Bradley, et choisit le sénateur du Connecticut Joe Lieberman comme colistier. La campagne est serrée, il est au coude à coude avec George W. Bush, le fils de l’ancien président. Le changement climatique est au cœur de sa campagne, mais Gore donne parfois l’impression d’être condescendant face à George W. Bush lors des débats télévisés. Il est perturbé par un petit candidat écologiste indépendant, Ralph Nader, qui obtient finalement 2,79% des voix.

Al Gore remporte le vote populaire… Mais pas l’élection

Le jour de l’élection, le 7 novembre 2000, Al Gore perd trois États-clés. S’il avait remporté ne serait-ce qu’un de ces États, il aurait été élu président. Il perd d’abord son propre État, le Tennessee. Ensuite, il perd la Virginie Occidentale et ses cinq grands électeurs. À cette époque, la Virginie Occidentale est un État plutôt démocrate – Bill Clinton l’a remporté facilement en 1992 et en 1996. Mais c’est aussi un État dont l’économie repose en grande partie sur les mines de charbon. L’engagement d’Al Gore pour le climat va effrayer les électeurs de Virginie Occidentale. Et surtout, il perd la Floride, considérée à l’époque comme un État pivot. Le vote est incroyablement serré. Il y a beaucoup de bulletins contestés, il faut procéder à des recomptages.

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Finalement, c’est la Cour Suprême qui, plus d’un mois après l’élection, le 12 décembre, attribue la Floride à George W. Bush, par un vote de 5 contre 4 parmi les juges de la Cour. Al Gore remporte largement le vote populaire au niveau national, mais George W. Bush remporte la Floride avec une avance de 537 voix, soit 0,009%. C’est l’une des élections les plus disputées de l’histoire des États-Unis. George W. Bush est élu avec 271 grands électeurs, contre 266 à Al Gore, qui reconnaît sa défaite le 13 décembre 2000.

Que serait-il arrivé si Al Gore avait été élu ? « Les États-Unis auraient pu prendre le leadership de la lutte contre le réchauffement climatique », estime Jean Jouzel. Mais malheureusement, cela ne sera jamais le cas.

Ce podcast, intitulé « Les ratés du climat », est une production de France Matin, réalisée par François Gemenne en collaboration avec Pauline Pennanec’h et mis en ondes par Thomas Coudreuse et François Richer. Vous pouvez le retrouver sur le site de France Matin, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.

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Bernard Figuerol

Auteur

Bernard Figuerol est une figure emblématique de France Matin, connu pour ses articles perspicaces et informatifs sur l'aménagement du territoire, la culture et l'environnement en France. Titulaire d'un master en journalisme avec une spécialisation en développement durable, Bernard a rejoint l'équipe de France Matin il y a plusieurs années, apportant avec lui un regard neuf et une expertise approfondie dans ces domaines. Au cœur de son journalisme, Bernard se concentre sur les histoires qui relient les gens aux lieux, à la culture et à l'environnement. Ses articles sur l'aménagement du territoire vont au-delà de la simple couverture des politiques urbaines, explorant comment les espaces sont façonnés pour répondre aux besoins des communautés tout en préservant l'identité et le patrimoine culturel.

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