Le Premier ministre met en exergue la « valeur travail » comme moyen de redresser l’économie de la France, évoquant l’idée de « débloquer » l’économie. Cependant, en 1880, Paul Lafargue, un fervent défenseur des droits des travailleurs, incitait les Français à arrêter de voir la paresse comme un défaut honteux.
D’après Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale du mardi 30 janvier, il a affirmé que « personne en France ne défend le droit à être paresseux ». En effet, ceux qui défendent un tel droit sont rares, à l’exception de Sandrine Rousseau. Suite au discours d’Attal, elle n’a pas hésité à publier un tweet sur la paresse et son « importance essentielle pour envisager le futur ».
Cependant, au-delà de la députée écologiste, n’est-ce pas en France que le droit à la paresse a vu le jour ? C’est Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, qui a introduit ce concept en France dans un livre portant ce nom, paru en 1880. Il y encourageait ses lecteurs à renverser leur perception du lien entre travail et temps libre, en envisageant la paresse non plus comme un défaut déplorable, mais comme un projet de vie politiquement provocateur. Il présentait la paresse comme une « jouissance personnelle », « une simplicité que l’adulte s’acharne à complexifier ».
Opter pour une vie plus contemplative, sans nécessairement être inactif
Il y a quelques mois, le New York Times s’est interrogé sur ce sujet, en plein milieu de la révolte contre la réforme des retraites. Le journal se demandait si « les Français ne seraient pas des paresseux ». D’après le quotidien américain, l’attrait des Français pour l’oisiveté serait enraciné dans une tradition philosophique. Même si cela relève du mythe, le New York Times soulignait que la productivité française au travail est supérieure à la moyenne.
Il est vrai qu’il faut une grande inventivité pour toujours trouver la manière la moins épuisante de réaliser une tâche. Quant à la tradition philosophique, elle remonte à Montaigne, qui a décidé de mettre un terme à sa carrière de magistrat à l’âge de 38 ans en 1570. Montaigne a choisi d’abandonner la vie active pour une vie plus contemplative, ce qui lui a permis d’écrire ses Essais. La paresse n’est pas obligatoirement synonyme d’inactivité, mais peut signifier des activités différentes.
Ne pas travailler ne signifie pas forcément rester inactif. Être paresseux, c’est aussi rêver éveillé, flâner, prendre le temps de vivre pour soi et non pour les autres. C’est choisir de vivre pleinement le présent sans se soucier de l’avenir, car personne ne sait ce que demain nous réserve. Mais pour cela, il faut, comme Montaigne, avoir le courage et les moyens matériels pour faire un tel choix. Si la paresse n’est pas nécessairement un péché, elle est toujours un luxe. Alors, peut-on vraiment affirmer, comme Gabriel Attal, qu’en France « personne ne défend le droit à être paresseux » ? Il serait plus exact de dire que rares sont ceux qui ont la chance de pouvoir se permettre ce droit.
0 commentaires