Dans le cadre du Congrès international de la vigne et du vin, qui se déroule à Dijon du 14 au 18 octobre, et d’une conférence se déroulant ce week-end rassemblant les responsables de l’agriculture des nations adhérentes à l’Organisation mondiale de la vigne et du vin, le sociologue Jean Viard aborde les enjeux d’adaptation auxquels cette industrie doit faire face, en réponse aux changements climatiques.
En anticipation de la 45ème édition du Congrès mondial de la vigne et du vin qui se tiendra du 14 au 18 octobre, la ville de Dijon est l’hôte d’une conférence interministérielle ce week-end. Cette réunion a pour objectif de discuter de l’avenir et des enjeux de la filière viticole pour les années à venir. En outre, cette édition marquera le centenaire de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), dont le siège est maintenant à Dijon. Pour éclaircir ces sujets, Jean Viard, sociologue, se prête au jeu de l’interview.
Franceinfo : Est-il vrai que le vin ne joue plus le même rôle qu’auparavant en raison des changements climatiques, du dérèglement climatique et de la réduction du nombre de consommateurs ?
Jean Viard : Le vin est en constante évolution à cause des changements climatiques. Par exemple, dans mon village, les vendanges débutaient fin septembre lorsque j’étais enfant. Aujourd’hui, elles commencent fin août, mais elles se font de nuit pour profiter de la fraîcheur, en particulier pour les vins rosés. Les viticulteurs sont en guerre avec le climat.
Les consommateurs aussi doivent faire face à cette guerre. Avec des températures plus élevées, nous avons tendance à boire plus de bière et moins de vin. Et lorsqu’on boit du vin, on préfère le rosé car on peut y ajouter des glaçons. Le vin rouge doit donc s’adapter au changement climatique. Il y a 30 ans, un Français consommait en moyenne 100 litres de vin par an. Aujourd’hui, cette moyenne est tombée à 40 litres.
La deuxième question est que la France a toujours valorisé ses terroirs et ses châteaux. Ainsi, les meilleurs vins sont souvent français et sont présents sur les grandes tables du monde entier. Récemment, j’étais au Japon et j’ai constaté qu’il y avait du vin chilien et californien au restaurant, mais pas de vin français, car les vins de châteaux sont trop coûteux. Tous ces facteurs sont en pleine mutation. Cependant, nous buvons toujours 33 milliards de bouteilles par an dans le monde.
La production mondiale a diminué au cours des 20 dernières années ?
C’est vrai que nous consommons moins de vin, mais nous sommes plus nombreux sur la planète et il y a plus de pays qui en produisent. La concurrence est plus féroce, et nous avons tous entendu parler de la crise dans la région de Bordeaux, une grande région de vins rouges. De plus, le coût d’adaptation est élevé pour les grandes coopératives. Pourtant, l’enjeu est de taille, avec 11 milliards d’euros d’exportations de vin dans la balance commerciale. C’est un enjeu économique majeur.
Il est vrai que les modes de consommation ont changé en France, ce qui a eu un impact sur la consommation de vin ?
Effectivement, sur 10 bouteilles de vin, 5 sont achetées en supermarché et 3 sont consommées au restaurant. Quand j’étais plus jeune, le vin était servi en bouteille au restaurant. Maintenant, il est souvent servi au verre et on en prend un ou deux. Dans notre société actuelle, où d’autres drogues sont consommées, le vin a perdu du terrain.
Le vin a longtemps contribué au rayonnement de la France dans le monde, cette tendance est-elle toujours d’actualité ?
Le vin est un reflet des terroirs français – Bordeaux, Bourgogne, Provence, vins d’Alsace, pays Nantais – et boire du vin est en quelque sorte un « voyage en France ». C’est très différent dans d’autres pays où le vin est représentatif du pays tout entier. Pour beaucoup de personnes à travers le monde, Bordeaux n’est pas une ville, mais une bouteille de vin.
Selon les régions du monde, l’effet n’est pas le même. Mais sans aucun doute, le vin chante la France, sa diversité, sa façon de se définir comme une nation diversifiée à l’intérieur d’un même territoire et d’un même imaginaire. Et le vin joue un rôle essentiel dans cet imaginaire.
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