Chaque samedi, nous explorons les défis climatiques en compagnie de François Gemenne, enseignant à HEC, qui préside également le Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l’homme et fait partie du GIEC.
Le rôle déterminant du transport routier dans les émissions de gaz à effet de serre
Le tiers des émissions de gaz à effet de serre provient du transport routier. Il s’agit là d’un problème majeur qui nécessite de trouver des solutions, parfois simples telles que le covoiturage, qui malheureusement a du mal à s’imposer. Pour François Gemenne, il est urgent de rattraper ce retard.
Il peut paraitre évident d’opter pour le covoiturage étant donné que nos voitures sont conçues pour transporter plusieurs passagers. Toutefois, selon François Gemenne, le souci réside dans le fait qu’en France, une voiture transporte en moyenne 1,22 personne. Il souligne que durant les heures de pointe du matin, 86% des conducteurs sont seuls à bord de leur véhicule, d’après les derniers chiffres du baromètre de l’autosolisme publié par Vinci Autoroutes.
François Gemenne : Le covoiturage, solution aux embouteillages ?
Selon François Gemenne, le manque de covoiturage est également un facteur aggravant des embouteillages. En effet, si l’on se focalise sur les émissions de gaz à effet de serre, le transport routier représentera en 2023 près de 120 millions de tonnes de CO2, soit un tiers des émissions nationales.
Il précise que les trois quarts de ces émissions proviennent du transport de passagers, principalement via la voiture individuelle, qui représente 80% des kilomètres parcourus sur les routes françaises.
François Gemenne explique que l’objectif, conformément à la stratégie nationale bas-carbone, est de réduire ces émissions d’environ un quart, soit 32 millions de tonnes, d’ici 2030. Ce but pourra être atteint grâce à la voiture électrique, la sobriété (c’est-à-dire la réduction de nos déplacements), les transports publics et le covoiturage. Cela devrait permettre de diminuer les émissions de 3 millions de tonnes, grâce à 3 millions de trajets quotidiens covoiturés prévus d’ici 2027. Cependant, nous sommes encore loin de cet objectif, avec seulement un tiers de ces trajets qui sont actuellement réalisés.
Faire décoller le covoiturage : un défi de taille
Selon François Gemenne, il est crucial d’encourager le covoiturage, en particulier pour les trajets quotidiens. Il souligne que la voiture reste le moyen de transport privilégié pour les trajets entre 10 et 80 kilomètres, avec 50 millions de trajets quotidiens. Il existe déjà plusieurs opérateurs de covoiturage, qui développent des lignes de covoiturage pour faire de la voiture un nouveau moyen de transport collectif. Néanmoins, sans l’intervention des pouvoirs publics, il sera difficile de faire décoller le covoiturage.
Des propositions concrètes pour dynamiser le covoiturage
Dans une note récente de l’Alliance pour la décarbonation de la route, plusieurs suggestions sont faites pour stimuler le covoiturage. Parmi celles-ci, il est question d’améliorer la communication. De nombreux conducteurs ne sont pas encore au courant des possibilités qui s’offrent à eux, en particulier les lignes de covoiturage. François Gemenne souligne l’importance de travailler avec les collectivités pour développer davantage ces lignes.
Il est également nécessaire d’offrir des incitations financières pour encourager les conducteurs à pratiquer le covoiturage et réduire le coût perçu du trajet pour les passagers.
Le covoiturage : une solution économique ?
Le covoiturage permet indéniablement de réaliser des économies. Les véhicules s’usent moins et les coûts de carburants sont partagés. Cependant, il est nécessaire d’encourager davantage cette pratique car, souvent, les conducteurs ne se rendent pas compte du coût réel de leurs trajets, alors que les passagers, eux, le perçoivent clairement.
La question des infrastructures
François Gemenne souligne l’importance de disposer de voies réservées sur les grands axes et de parcs d’échanges, notamment à proximité des gares, pour combiner différents moyens de transport.
Développer le covoiturage est essentiel non seulement pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour diminuer les embouteillages et le coût des trajets. Ces avantages immédiats et tangibles de la décarbonation sont ce que l’on appelle des co-bénéfices.
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