Chaque samedi, nous explorons les défis du changement climatique avec François Gemenne, un enseignant à HEC, qui est également le chef du comité scientifique de la Fondation pour la nature et l’homme et un des membres du GIEC.
Le cauchemar climatique au Brésil
Depuis le début du mois de mai, l’État du Rio Grande do Sul, situé à l’extrême sud du Brésil, vit un véritable cauchemar à cause de pluies torrentielles d’une rare violence. Eduardo Leite, le gouverneur de cet État qui partage ses frontières avec l’Uruguay et l’Argentine, a décrit la situation comme étant le « pire désastre climatique » qu’il ait jamais vu. Des avalanches de boue massives, des maisons et des voitures submergées à perte de vue, le bilan provisoire fait état de 147 morts et 124 personnes portées disparues. Les opérations de secours sont toujours en cours, avec plus de deux millions de personnes nécessitant de l’aide pour l’eau, la nourriture et le nettoyage, et de nombreuses infrastructures ont été anéanties.
Le point de vue de François Gemenne
François Gemenne, spécialiste des questions environnementales, a souligné que ces inondations sont les plus dévastatrices de l’histoire de cet État. Elles ont déjà provoqué le déplacement de plus de 620 000 personnes depuis le début du mois de mai. Les désastres climatiques dans la région ont déjà conduit à la délocalisation de plus de 150 000 personnes l’année dernière.
Gemenne a aussi posé la question de la délocalisation de la ville de Porto Alegre au Brésil, face aux risques constants d’inondations.
Délocalisation : un processus complexe
Il a ensuite donné l’exemple de la capitale de l’Indonésie, Djakarta : il y a trois ans, le gouvernement indonésien a décidé de construire une nouvelle capitale, Nusantara, sur l’île de Bornéo, en raison des risques d’inondation devenus trop importants à Djakarta, notamment à cause de la hausse du niveau de la mer. Ils ont prévu 15 ans pour réaliser ce projet, qui concerne plus de 10 millions d’habitants.
Les déplacements dus au changement climatique
Ces déplacements de population à cause du changement climatique sont déjà une réalité. L’Observatoire des Situations de Déplacements Internes, aussi connu sous le nom de l’IDMC, une ONG basée à Genève, compile chaque année le nombre de déplacements internes causés par des catastrophes et par des conflits. Selon Gemenne, le nombre de déplacements liés aux catastrophes est chaque année plus important que celui provoqué par des conflits.
Les chiffres de 2023
Les chiffres pour 2023, qui ont été publiés cette semaine, confirment cette tendance : plus de 26 millions de déplacements ont été causés par des catastrophes, contre 20 millions liés à des conflits. Ces chiffres concernent principalement certaines régions du monde. C’est notamment l’Asie du Sud et du Sud-Est qui enregistre généralement les niveaux de déplacements les plus élevés.
Les déplacements et les déplacés
Gemenne a également souligné qu’il est important de distinguer les déplacements des déplacés, car une même personne peut être déplacée plusieurs fois. Au 31 décembre 2023, il y avait 7,7 millions de personnes qui étaient toujours déplacées en raison de catastrophes dans 83 pays.
Les politiques d’adaptation
Il a ensuite insisté sur la nécessité d’inclure ces enjeux de migration dans nos politiques d’adaptation au changement climatique. Il a expliqué que l’un des principaux effets du changement climatique est d’augmenter la fréquence et l’intensité des phénomènes extrêmes, qui sont la cause principale des déplacements de population.
La situation en France
Même en France, nous sommes concernés par ces déplacements de population. En 2022, les feux de forêts ont déplacé 45 000 personnes, par exemple. Un sondage effectué fin 2023 par Ipsos, et commandé par EDF, montre que 26% des Français pensent qu’ils devront quitter leur domicile dans les 10 prochaines années, à cause des impacts du changement climatique. Un quart des Français envisagent donc se trouver un jour dans cette situation : ce n’est plus un risque futur et lointain, c’est désormais une réalité qui peut tous nous concerner.
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