Les périodes de grande chaleur, qui étaient autrefois associées aux vacances d’été, surviennent maintenant pendant l’année scolaire. C’est un effet du changement climatique qui contraint les établissements scolaires à modifier leurs méthodes. A Montélimar, des horaires scolaires inédits sont expérimentés pendant tout le mois de juin dans trois écoles.
En arrivant dans sa salle de classe, Aurélien Sauvêtre, enseignant, se précipite pour allumer les trois ventilateurs fixés au plafond. C’est une tâche qu’il effectue avant même de commencer la dictée. Ce 27 juin, la température affiche déjà 26°C à 8 heures du matin. « C’est une nouveauté de cette année qui modifie considérablement la situation », explique-t-il. À l’école primaire du Bouquet, à Montélimar (Drôme), la chaleur est devenue un souci majeur, en raison du réchauffement climatique.
Malgré une fin d’année moins torride que les précédentes, la température peut facilement grimper au-delà de 34°C dans ce bâtiment en béton, exposé plein sud. « Pour les élèves, il est difficile de rester concentrés. On ne peut pas introduire de nouveaux concepts d’apprentissage », témoigne ce professeur. Quand la chaleur est trop intense, « on ne suit pas le programme habituel de la journée ».
Face à cette problématique, l’école et la mairie ne se sont pas limitées à installer des ventilateurs. À l’initiative de l’équipe pédagogique, des horaires de classe ajustés sont testés depuis le 3 juin, comme dans deux autres écoles de la ville. En pratique, les cours commencent à 8h au lieu de 8h30. La pause déjeuner ne dure plus qu’une heure et les élèves sont libérés à 15h, soit une heure et demie plus tôt que d’habitude. La moitié d’entre eux rentrent chez eux, tandis que les autres sont pris en charge par le périscolaire, dans le réfectoire, seule salle climatisée de l’école. « Nous devions trouver une solution permettant à une partie des élèves de quitter les lieux (…) car l’ensemble des élèves ne peut pas être accueilli dans un espace rafraîchi », précise Françoise Etcheverry, la directrice de l’école du Bouquet.
Un retour « positif » de la part des enseignants
Pour la directrice de l’établissement, qui s’inquiète des canicules de plus en plus fréquentes et intenses, le retour sur cette expérimentation est « positif ». « Nous avons gagné une heure d’enseignement le matin par rapport aux horaires habituels », note-t-elle, en ajoutant que c’est un moment de la journée où les enfants sont « plus réceptifs, plus concentrés et moins fatigués ». Le maire, Julien Cornillet (Les Républicains), est également enthousiaste face à cette « grande première en métropole » et encourage ses homologues à adopter cette mesure dans leur commune. « Dans le sud de la France, les problèmes de chaleur débutent en mai et ne s’achèvent qu’en septembre », rappelle-t-il.
À la sortie de l’école, les parents sont beaucoup plus critiques. « Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée », modère Sonia Silvestre, mère de deux enfants en CP et CE2. Cette représentante des parents d’élèves soulève les difficultés à réveiller les enfants le matin et le temps de pause-déjeuner trop court. « Parfois, ils mangent très peu et très vite. À 15h, lorsqu’on vient les chercher, ils ont très faim », relate-t-elle.
« Cela nous a mis dans une situation très compliquée », résume Emilie Duroure. Son fils Sacha, en CE2, présente des troubles du déficit de l’attention (TDAH) et de l’oralité alimentaire. Avec les nouveaux horaires de cantine, il est impossible de venir le chercher entre midi et deux. « Les premiers jours, il ne mangeait qu’un morceau de pain », se rappelle-t-elle. Grâce au directeur du périscolaire, elle peut désormais lui fournir un repas, mais « il est temps que l’année scolaire se termine ».
« Un pansement sur une hémorragie »
À la maternelle du Bouquet, où les mêmes horaires sont appliqués, Emilie Surply, déléguée des parents d’élèves, a reçu des « retours assez mitigés ». Elle souligne que le problème n’est pas totalement résolu, car il peut faire très chaud de 13h à 15h dans les salles de classe. « On a le sentiment que c’est plus un pansement sur une hémorragie qu’une véritable prise en charge des conditions climatiques », regrette-t-elle. Gilles, père d’une élève en CP, pense que la solution devrait être « plus technique qu’humaine », avec par exemple l’installation de climatiseurs.
« Nous ne sommes pas du tout pour la climatisation à outrance, car l’impact sur l’empreinte carbone serait catastrophique », rétorque Françoise Etcheverry, la directrice. Au milieu de la cour où quelques arbres émergent timidement du bitume, le maire défend un « ensemble d’outils » pour lutter contre les canicules. « Il ne s’agit pas seulement de changer les horaires et tout ira bien, il faut aussi aménager, investir dans les écoles, végétaliser, mettre en place des solutions pour rafraîchir les classes », insiste Julien Cornillet, en précisant qu’il investit chaque année un million d’euros dans les 19 écoles de la ville. Un premier bilan de cette expérimentation doit être fait avant les vacances d’été, pour décider de la suite de cette initiative.
Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre a augmenté de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, qui consomment des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, sans précédent par sa rapidité, menace l’avenir de nos sociétés et la biodiversité. Cependant, des solutions – énergies renouvelables, sobriété, réduction de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.
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