Cette année, environ une centaine de bois français ont été dotés de petits dispositifs destinés à enregistrer tous les bruits de la nature environnante. Nous avons fait un reportage dans le parc régional du Gâtinais français, situé non loin de Paris.
Lors de vos promenades en forêt, vous avez peut-être remarqué la présence de magnétophones. En effet, une centaine de forêts françaises ont été dotées de ces dispositifs dans le cadre d’un projet scientifique appelé « Sonosylva ». Ce projet est mené par le Muséum d’histoire naturelle de Paris et l’Office français de la biodiversité. Le but de cette initiative, qui durera trois ans, est de permettre aux chercheurs d’écouter les bruits provenant des sous-bois. Ces magnétophones sont programmés pour enregistrer une minute de son tous les quarts d’heure, un jour sur deux, de la saison printanière à l’automne. Cela permettra d’évaluer la biodiversité, mais aussi de mesurer l’impact de la pollution sonore.
Pour récupérer la carte mémoire du magnétophone, il faut se rendre dans la profondeur de la forêt. Audrey Bulté, responsable de mission au parc naturel du Gâtinais, est celle qui a installé le micro. Elle précise que le dispositif a été posé le 1er mars et qu’il sera retiré le 30 septembre, pour recueillir suffisamment de données pour toute l’année.
Plus de 18 000 heures de données enregistrées
Le magnétophone est un petit boîtier discret, de couleur feuillage, placé à hauteur d’homme sur un arbre. Il a été installé dans un emplacement stratégique, au milieu de la forêt, où on peut entendre les oiseaux chanter. Mais pas seulement les oiseaux, des sangliers ont également été enregistrés dans cette forêt du Gâtinais. Jérôme Sueur, enseignant-chercheur au Muséum d’histoire naturelle et instigateur du projet Sonosylva, explique qu’en écoutant ces paysages sonores, on peut avoir une appréciation différente de celle obtenue par la vision.
Il compare cette initiative à un réseau d’antennes disséminées dans toute la France permettant d’écouter les forêts protégées. Il souligne que même le bruit d’un avion passant au-dessus de la forêt sera enregistré. Grâce à des systèmes d’intelligence artificielle, il sera possible de quantifier le niveau de pollution sonore, ce qui pourrait révéler des surprises désagréables.
Selon Jérôme Sueur, une forêt peut sembler très protégée, mais elle peut être polluée par le passage d’un avion ou d’une route à proximité. Cela peut perturber les autres êtres vivants qui habitent la forêt et peuvent en souffrir.
De la forêt de Massane dans les Pyrénées-Orientales à celle de la Reine en Lorraine, les scientifiques auront recueilli un million de fichiers, soit plus de 18 000 heures d’enregistrement en une saison. Ces données sont essentielles pour l’Office français de la biodiversité.
Nicolas Tronquart, responsable de la recherche, souligne que ces boîtiers ont des avantages par rapport aux observateurs de l’Office : ils ne perturbent pas les êtres vivants et peuvent enregistrer en continu, contrairement à un observateur qui ne peut pas rester sur son lieu d’écoute 24 heures sur 24.
Ces enregistreurs éco-acoustiques seront retirés pour l’hiver puis réinstallés au printemps. Les experts espèrent pouvoir mener ce projet sur le long terme pour évaluer l’évolution des paysages sonores.
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