Hommage à la marge : Cette zone, fréquemment négligée, attire désormais l’attention des spécialistes de l’écologie. Une recherche initiale à l’échelle de l’Europe a récemment facilité la compréhension de leur valeur écologique. Des expérimentations sont actuellement en cours dans la région des Landes, avec l’introduction de marges de feuillus autour des plantations de pins maritimes.
Hervé Poirier, éditeur principal du magazine scientifique Epsiloon, nous éclaire sur un sujet de plus en plus pertinent pour les écologistes : les bordures des forêts.
France Matin : Qu’est-ce qui rend les bordures des forêts si spéciales ?
Hervé Poirier : Un projet expérimental passionnant est actuellement en cours dans la région des Landes. Nous nous rappelons tous des incendies dévastateurs de l’été 2022 qui ont ravagé plus de 30 000 hectares de forêt en Gironde. Afin de protéger ces précieux pins maritimes non seulement des flammes, mais aussi des parasites et du vent, des écologistes sont en train de planter des bordures de forêt.
Ils plantent des saules, des bouleaux, des chênes verts et des chênes tauzin autour des plantations de pins. Ces essences sont toutes des espèces pionnières qui croissent rapidement et tirent pleinement profit de la lumière disponible à ces frontières, formant rapidement une barrière végétale efficace.
L’objectif est également de créer un vaste réseau de corridors écologiques avec ces bordures, facilitant ainsi la migration et la préservation des espèces face au changement climatique. Ce test unique illustre la redécouverte scientifique de ces lieux souvent négligés, ces zones intermédiaires que l’on traverse souvent sans y prêter attention.
Est-ce que ces zones étaient auparavant négligées par la science ?
Seules quelques études isolées avaient été menées sur leur importance écologique et leur impact sur les cultures et le bétail dans les champs environnants. Ce n’est qu’en 2024 qu’une première étude à l’échelle du continent européen a permis de mieux comprendre leur importance écologique. Il est surprenant de constater à quel point ces bordures de forêt sont omniprésentes. En Europe, 40% de la surface forestière se situe à moins de 100 mètres d’une bordure, et 60% des bordures sont en contact avec des terres agricoles.
Rien qu’en France, il y aurait 805 000 kilomètres de bordures de forêt, soit plus du double de la distance entre la Terre et la Lune ! Les écologistes commencent à réaliser que c’est vraiment un monde à part, ni tout à fait dans la forêt, ni tout à fait hors de la forêt.
Comment est-ce possible ?
Les bordures des forêts sont un refuge pour des espèces de plantes qui ne peuvent pas survivre dans la forêt ou dans des environnements ouverts, comme les anémones sauvages et le grémil bleu. Elles abritent également des oiseaux insectivores qui peuvent aider à protéger la forêt contre les parasites, ainsi que de nombreux reptiles, musaraignes, chauves-souris et insectes pollinisateurs, comme les abeilles sauvages et les bourdons.
Comparativement au reste de la forêt, les bordures contiennent un plus grand nombre de plantes à fleurs, d’arbustes et d’arbres fruitiers. Contrairement à une idée reçue, il s’agit en fait d’un environnement écologique beaucoup plus riche que la forêt elle-même. En résumé, l’étude du rôle et des effets de ces zones ne fait que commencer. Mais une hypothèse est déjà en train de se former : et si l’avenir des forêts dépendait en grande partie de leurs bordures ?
0 commentaires