La forêt située dans le bassin du Congo a surpassé la forêt amazonienne pour devenir le plus grand réservoir de carbone sur la planète. Le niveau de déforestation de cette immense zone forestière est malheureusement encore méconnu en Europe. Estelle Ewoule Lobe, une activiste originaire du Cameroun, se mobilise pour sensibiliser à cette problématique.
Si vous demandez aux personnes autour de vous quelle est la deuxième plus vaste forêt tropicale après l’Amazonie, il y a de fortes chances qu’elles ne sachent pas que c’est la forêt du bassin du Congo. En effet, c’est bien elle qui détient ce titre et, d’après les informations de la Banque mondiale, cette immense étendue forestière africaine est également devenue le plus grand réservoir de carbone de la planète, surpassant sa grande sœur d’Amérique du Sud.
Cette forêt, qui s’étend sur une superficie de 3,7 millions de kilomètres carrés – soit l’équivalent de la France et de l’Inde réunies – couvre six pays africains dans le bassin du fleuve Congo. Il s’agit de la République démocratique du Congo (RDC), de la République centrafricaine, du Congo, de la Guinée équatoriale, du Gabon et du Cameroun. D’après les données de Global Watch Forest, 650 000 hectares de cette forêt ont disparu en 2022, signe d’une accélération préoccupante de la déforestation dans cette région. Il est probable que le manque de sensibilisation du public à ce problème y soit pour quelque chose.
Un désastre écologique à l’échelle mondiale
Estelle Ewoule Lobe, une jeune Camerounaise de 35 ans, fait partie des lauréates 2023 de l’initiative Marianne, qui récompense les défenseurs des droits de l’Homme. Elle s’engage activement dans son pays pour lutter contre la déforestation du bassin du Congo. Présente lors d’une table ronde sur le climat au festival We Love Green à Paris le week-end dernier, elle est consciente que son combat commence par une prise de conscience globale. Elle regrette que la déforestation du bassin du Congo soit moins médiatisée que celle de l’Amazonie et souligne l’importance de sensibiliser le public à ce problème. Pour elle, le manque d’information est le véritable problème. Elle se demande comment les gens peuvent s’intéresser à cette catastrophe écologique s’ils n’en sont pas informés.
Plusieurs facteurs expliquent cette déforestation intensive dans le bassin du Congo : l’industrie du bois en premier lieu, mais aussi l’agriculture, l’exploitation minière très développée en RDC ou encore les feux de brousse à grande échelle. À cela s’ajoutent le trafic d’espèces protégées et l’exploitation illégale des ressources. Estelle Ewoule Lobe dénonce un « crime généralisé, un crime mondial ». Elle fait un parallèle avec le crime organisé, qu’elle voit comme une pieuvre aux tentacules multiples : la criminalité financière, le trafic d’êtres humains, les crimes environnementaux. La corruption s’est infiltrée à tous les niveaux et il est urgent de mobiliser tous les acteurs possibles pour combattre ce fléau. La présence grandissante de la Chine dans ces forêts inquiète également la jeune militante.
« Soit nous chutons ensemble, soit nous nous sauvons ensemble »
Estelle Ewoule Lobe espère beaucoup des futures mesures françaises et européennes destinées à lutter contre la déforestation en Afrique. Ces actions pourraient servir de modèle à la communauté internationale. La première d’entre elles concerne directement ces « crimes environnementaux ». À partir de juillet 2024, 100 observateurs chargés de documenter la criminalité environnementale seront déployés au Cameroun, au Gabon et en RDC. Ce projet est en partie financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français, en coopération avec trois organisations de la société civile engagées dans la protection de la forêt du bassin du Congo. Parmi elles, l’Action pour la protection en Afrique des déplacés internes et des migrants environnementaux (Apadime), dont Estelle Ewoule Lobe est co-fondatrice.
L’autre attente de la militante camerounaise concerne l’entrée en vigueur, en janvier 2025, du Règlement sur la déforestation de l’Union Européenne (RDUE) qui vise à interdire les produits ayant contribué à la dégradation des forêts. Elle lance un appel aux entreprises françaises et européennes pour qu’elles respectent cet engagement et l’aident à lutter contre la déforestation à l’échelle locale. « Parce que malheureusement pour vous, en Europe, et heureusement pour nous, Africains, notre destin est lié par le climat. Soit nous chutons ensemble, soit nous nous sauvons ensemble »
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