À compter du premier juin, les municipalités de moins de 2.000 résidents seront tenues d’attribuer un nom et un numéro à toutes les voies qui en sont dépourvues, une procédure connue sous le nom d’adressage. Cependant, dans certaines localités, comme Passavant-sur-Layon en Anjou, cette obligation entraîne la suppression des hameaux et des lieux-dits, ce qui est mal reçu par les habitants.
Dans la commune viticole de Passavant-sur-Layon en Maine-et-Loire, des lieux-dits comme le Sable, le Guinchereau ou Bourgneuf servent de points de repère à ses 127 habitants. Or, une loi entrée en vigueur en 2022, la loi 3DS, impose à toutes les communes de mettre en place un « adressage », c’est-à-dire de nommer et de numéroter les rues, chemins et autres voies qui n’en avaient pas. Les communes de moins de 2.000 habitants ont jusqu’au 1er juin 2024 pour se conformer à cette loi. À Passavant-sur-Layon, située à 60 km au sud d’Angers, cette obligation a suscité la colère des habitants envers la municipalité.
« C’est notre héritage »
Le but de cette mesure est de faciliter le travail des livreurs, des postiers ou des services d’urgence, qui peuvent avoir du mal à trouver leur chemin dans des hameaux ou face à des maisons sans numéro. À Passavant, le maire a décidé de changer le nom des rues en juin 2022 sans consulter les habitants. Onze lieux-dits ont ainsi disparu, remplacés par leurs petits panneaux noirs et blancs sur le bord des routes, ce qui a provoqué la colère de Claudine Bonneau, habitante du Guinchereau. Elle reçoit désormais son courrier à l’adresse « 1599, route d’Aquitaine », le nombre correspondant à la distance en mètres entre sa maison et le début de la voie. Pour Claudine, le Guinchereau et les autres lieux-dits du village font partie de leur patrimoine et de leur identité. Elle estime qu’il n’est pas nécessaire d’oublier leur histoire pour une question de simplification administrative.
La famille de Claudine Bonneau n’est pas la seule à s’opposer à cette décision. Le maire n’a pas voulu revenir sur sa décision et le conseil municipal a finalement démissionné. En septembre dernier, Olivier Lecomte, un viticulteur, a été élu maire. Sa mission est désormais de rétablir le nom de tous les lieux-dits.
Attachement
Alors, pourquoi les habitants de Passavant-sur-Layon, et probablement de nombreux autres Français, sont-ils si attachés aux noms des hameaux ? Selon Stéphane Gendron, expert en toponymie (l’étude des noms de lieux), ces noms font partie de notre langage courant et jouent un rôle fondamental dans notre communication. La disparition potentielle d’une partie de cette communication est donc perçue comme un acte de violence. Les noms des lieux peuvent éveiller des émotions et des sentiments, car ils sont liés à des souvenirs, des histoires et des sentiments.
Les communes n’ont pas le choix
Malgré l’attachement des habitants à ces noms, les communes de moins de 2.000 habitants ont jusqu’au 1er juin pour se conformer à la loi. Pour l’instant, plus de la moitié d’entre elles n’ont pas encore effectué ce nouvel adressage. Ariane Rose de l’Agence nationale de la cohésion des territoires souligne que le principal obstacle est le temps nécessaire pour mener à bien ce projet. De plus, faire accepter ce changement d’adresse à la population n’est pas une mince affaire.
Il n’existe pas de sanctions pour les mairies qui ne respectent pas cette règle. Cependant, si les services d’urgence ne parviennent pas à secourir une personne à temps en raison d’une mauvaise adresse, le maire pourrait être poursuivi en justice.
Le reportage de Valentin Dunate sur ce sujet est disponible en podcast ici.
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